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L'Agba News

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28 mai 2007

Je n’existe pas …

« Mais pourquoi voulez-vous faire du théâtre ? », lance la réalisatrice au candidat au casting, auteur d’une tentative d’interprétation particulièrement mauvaise. Un moment d’hésitation, quelques déglutitions et le pauvre homme se lance : «  Je n’existe pas ! ».

Ma main tâtonne à la recherche de la télécommande et met en pause la projection du très agréable « Bigger than the Sky » du réalisateur Al Corley.  C’est sans doute le moment le plus fort du film. Cette sourde conscience de non-existence qui finit par exploser, presque, en cri de détresse. Ce ridicule que l’on ose braver pour être simplement visible aux autres. Cette tragédie que vivent des millions d’électrons solitaires, en permanente recherche d’une configuration permettant la greffe. Cette douleur du rejet, tant de fois soufferte, et pourtant, à nouveau tentée. Ce jet d’espoir, se faufilant dans les interstices d’une chape de convenances et de convenus, pour jaillir, geyser, revendiquant, une énormité, le premier rôle dans la pièce de Cyrano de Bergerac.

La question s’impose, aveuglante, dans la pièce qu’éclaire à peine l’image figée sur l’écran. « Est ce que j’existe ? ». Quels Cyranos ai-je revendiqués ? Quels ridicules ai-je bravés ? Quelles chapes ai-je fracassées ? Quelles mains ai-je tendues ? Quelles bouées ai-je saisies ? Quelles révoltes ai-je menées contre ce statut d’électron solitaire ?

La réponse ? Je la cherche encore entre ces lignes, baignées de votre regard interpellé.

Non ! Elle est là. Sous vos yeux. Dans chaque mot. Dans chaque phrase. Dans chaque idée que fait naître, mon cri à moi, dans votre esprit. Peut être avez-vous déjà, à votre tour, lâché la souris pour mieux écouter ce cri. Peut être a-t-il soulevé, bien profond, bien loin, au-delà de votre chape, un écho, prémisse d’un geyser d’espoir.

Ma main a tâtonné pour retrouver la télécommande. La vôtre s’est saisie de la souris. La vie a continué. Mais, pendant un instant, mon Cyrano et moi, avons existé.

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19 mars 2007

Nous ne t’oublierons pas …

alifi_hafidJe l’ai découvert sur mon transistor de poche qui captait laborieusement la Chaîne Inter sur bande AM. Je me suis délecté, plus tard, de ses jingles sur un système audio bricolé, auquel j’avais, ingénieusement pensais-je, adjoint des hauts parleurs récupérés sur de vieux et robustes postes radio. Quelques années après, c’est sur une chaîne Hi-Fi que j’ai aussi religieusement siroté Boogie d’Alifi Hafid. Aujourd’hui, le maître a tiré sa révérence. Comme des milliers d’autres, je me sens un peu orphelin.

Dans mon esprit de passionné, Alifi Hafid avait toujours eu l’allure d’un superman. Je l’imaginais en jeans Wrangler ou Lois, en chapeau de cow-boy, l’allure athlétique, une mallette à la main pleine à craquer de 33 et 45 tours à peine sortis des presses.

« Tatsme3 Boogie ? Hadak Houa Alifi Hafid », m’avait soufflé, un matin de juillet 1990, un collègue de stage dans un couloir de la RTM. Mon regard se porta sur un homme de la quarantaine, à l’allure avenante,  au front dégarni, portant, comme aurait pu le faire mon père, une chemise blanche et un veston à carreaux. C’était donc lui. Aux antipodes de mon héros. Pourtant, le mythe n’en prit pas une égratignure.

Il tint, Allah y Rahmou, quand nous lui fûmes présentés, à offrir un pot dans un café de la rue El Brihi, aux deux jeunes bleus de la maison. Nous discutâmes … Musique ! J’osais à peine risquer un avis face à ce monument. Mais j’eus tout le loisir de découvrir, au-delà de l’animateur vedette, du maître des platines, le véritable mélomane, humble, généreux et disponible. Entre deux gorgées de ses analyses des nouveaux courants de la world music, je me délectais à l’avance de la mine que feraient mes copains quand je leur raconterais, le soir au café.

J’ai continué à écouter Boogie, à être au RDV des « best of the Old », « Back in the time », « coin de la Country ». Désormais les notes de sa programmation sous-tendaient un visage avenant au sourire indulgent de grand frère.

Adieu Mahfoud ! Nous ne t’oublierons pas.

28 janvier 2007

Woody Allen et Bel Houdhoud

HuppeFascieeLes amateurs de jazz, dont je me targue à mes moments de faire partie, savent que le grand Woody Allen est un virtuose de la clarinette, qu’il a jusqu’à très récemment maniée avec bonheur chaque lundi dans un Pub de Manhattan, à la tête de son New Orleans Jazz Band.

A chaque fois que je survole avec bonheur le très riche répertoire de ce jazz band, le magnifique Pappy_s_B_Flat_Blues ne manque pas de me faire choir, presque lascivement, dans ce passé pas si lointain de chasseur passionné.

Une clarinette, deux trompettes et un trombone jacassent interminablement dans une cacophonie qui sent le soleil brûlant et l'indolence de la Nouvelle Orléans. Sur fond de piano, de basse et de percussions discrets. 

Je partais, mon calibre 9 mm en bandoulière, quand le soleil avait à peine franchi le seuil du zénith. Dans une chaleur étouffante, je me dirigeais, sûr de mon affaire, vers une longue allée bordée de cyprès, haie naturelle marquant la frontière entre notre domaine de celui des voisins.

Là, des dizaines d’espèces d’oiseaux venaient a chaque mi-journée soustraire leurs couleurs à la morsure du soleil d’août. Moineaux, Bouvreuils, Moucherolles à ventre jaune, Mesanges... parfois un Merle noir, entonnaient une joyeuse cacophonie qui guidait mes pas de chasseur. J’avançais l’oreille tendue vers les cimes des majestueux cyprès, le regard, exercé, guettant le moindre mouvement dans le tapis jaunâtre tapissant le sol craquelé.

Au Pub de Manhattan, la clarinette, les deux trompettes et le trombone poursuivent leur chamaillerie tranquille,  haussant à peine le ton. Les trompettes soulignent d’un sifflement admiratif les anecdotes coquines d’une joyeuse clarinette, que le sage trombone semble désapprouver de loin.

Sur les branches ombragées de mes cyprès, les oiseaux s’apostrophent, se sifflent, se huent, doucement, ménageant leur souffle. J’avance épiant le chef d’orchestre, Belhoudhoud, le magnifique ! Lui ne chante pas. Jamais personne n’a entendu sa plainte. Il lui suffit de tendre ses ailes, de dresser sa huppe, pour que jaillisse une myriade d’arcs- en – ciel, éclipsant tous ses rivaux. Dédaignant les branches des communs, il règne sur son monde depuis le sol craquelé qu'il arpente de son pas saccadé.

La légende raconte que son regard perçant parvient sept pieds sous terre, que son sang confère intelligence et sagesse, que ses plumes assurent la bonne fortune. Je traque ce gibier fantastique le cœur haletant. Dès que je perçois au loin les arcs-en-ciel, je me jette à terre, rampe sous la poigne du soleil, me fond dans les herbes asséchées, gagne mètre par mètre l’honneur de surprendre Belhoudhoud. Quand sa huppe se dresse, inquiète, je me fige détournant le regard pour échapper à ses prunelles de feu noir. Dès qu’elle s’abaisse, la traque reprend, lente et silencieuse, sur fond de jacasseries en sourdine.

Les jours de chance, rares, Belhoudhoud distrait se laissait approcher... Mais, souvent, à l’instant même où il était enfin aligné sur la mire, avant que le doigt tremblant de stress n’atteigne la gâchette, mille arcs-en-ciel illuminaient son envol.   

24 janvier 2007

Those memories of you

trioimageAu hasard d’un clic sur une page web, le trio Emmylou Harris-Linda Ronstadt -Dolly Parton et « Those memories of you », le hit single de leur –en son temps – célèbre album « Trio ». Je me revois, nez et oreilles glacés, ranger mon vélomoteur devant le café Nafoura, où sont, comme chaque fin d’après midi, attablés les copains. La radio branchée sur RTM Chaîne inter, la seule station à l’époque, diffuse de la bonne musique. La petite terrasse est emplie exclusivement de copains, tous inconditionnels de « Boogie » d’Alifi Hafid, de mots fléchés et de championnat allemand de foot.

Le rituel des salutations dure une bonne dizaine de minutes, puisqu’il faut serrer les pattes de tous d’un bout à l’autre de la terrasse sur une double façade. Le temps d’arriver à ma table habituelle, mon ness/ness qassha est déjà servi brûlant. Quelques plaisanteries et une grille de mot fléchés plus tard, c’est le quart d’heure country music de Boogie, savouré religieusement dès son célébrissime jingle « country muuuuuusiiiiiccc radiooooooo ».

Le clic de ce soir, par la magie du haut débit, ressuscite ce vieux tube du trio et dans son sillage tant de souvenirs. Le temps d’une chanson, tous les amis de mes 20 ans sont là. Ali, dit Scooby do, brillant et gaffeur, Bouazza, le cœur en or, plus souvent appelé Bouganza, depuis qu’une prof bulgare de chimie a écorché son nom, Said, alias Camara, bluesman jusque dans la couleur de la peau, Adel, dit Bangladesh depuis le jour où il interrompit une passionnée chamaillerie a propos des filles pour annoncer que les inondations au Bangladesh avaient fait des centaines de morts et tant d’autres.

Nous avons tant partagé. Joies et peines. Que le cœur de nos vingt ans étouffe de bonheur ou chancelle de peine, il suffisait de se pointer en fin de journée au café Nafoura pour y trouver partage et réconfort. Sur fond de Boogie d’Alifi Hafid. Mais quand donc avons-nous égaré le chemin de Qahwat annafoura ? …

22 décembre 2006

Mea Culpa

De pénibles circonstances m’ont écarté ces derniers jours de cet espace. Une épreuve que j’ai pu, louanges à Dieu, traverser avec les miens sans conséquences dramatiques.

Je voudrais, à l’occasion de ce retour, rendre hommage au dévouement professionnel et humain que j’ai constaté auprès des praticiens avec lesquels ces jours pénibles m’ont mis en contact. Je voudrais également tourner définitivement la page de quelques à priori que j’avais, à l’instar certainement de beaucoup de personnes, nourris à l’égard d’une certaine catégorie de médecins.

J’ai vu dans ces moments difficiles, certains de ces professeurs de médecine, dont mon esprit tranquille n’avait jusque-là retenu que l’apparente arrogance, lutter une nuit durant pour ramener à la vie un être cher. Je les ai vus abandonner familles, enfants, amis pour accourir à l’appel du devoir. Je les ai vus compatir, partager notre détresse, investir leur âme, avant leur art, dans une course contre la mort.

J’ai vu de parfaits inconnus offrir leur aide, leur sang, leur cœur, leur ferveur. J’ai mesuré le long de nuits et nuits de solitude totale, la vanité de tant de choses. Mais aussi la portée, incommensurable de petits gestes, de petites initiatives,venus abreuver un cœur asséché de douleur.

Que tous ceux et toutes celles qui ont apporté leur soutien quand l’espoir s’accrochait à une minuscule brindille, trouvent ici l’expression de notre éternelle reconnaissance.

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14 décembre 2006

Ba lefhamate règle la circulation

Mon copain Ba Lefhamate et moi sommes attablés à une terrasse de café ...

Ba Lefhamate -         Chefti ! Ils sont allés demander l’aide des français pour régler la circulation chez nous :p

Moi -         Qui ça ?

-         Bah la délégation qui a participé au séminaire intergouvernemental maroco-français … encore une fois ils n’ont rien compris, comme si les français y connaissaient quelque chose à notre mentalité !!!

-         Ca, je veux bien le croire, mais en attendant, statistiques à l’appui, les routes françaises sont beaucoup moins meurtrières que les routes marocaines.

-         Wa hetta y kounou les routes ba3da !!!  Je vais te dire moi, ces histoires de permis à points, de radars, de patrouilles mobiles, ça vaut que dalle. Wa lqadia fel pare-brise !!! 

-         Kifach le pare-brise ? tu veux dire que ce sont nos pare-brise qui causent les accidents ?

-         Wa laaaa hetta nta a sahbi ! Ecoute, je vais t’expliquer. Hanta, imagine, le gouvernement instaure une taxe de 100 à 500 pc sur le prix des pare-brise. Il met en place un système rigoureux de contrôle des importations, bhal dikchi dial yamate lparabole à 5000 balles.

-         Quel est le rapport avec les accidents ?

-         Hana jayek a sahbi. Après ça, tu prends quelques brigades d’agents de la circulation que tu entraînes pour la nouvelle mission. Mais attention, ils doivent être choisis avec le plus grand soin. Hanta, par exemple à Rabat, tu vas chercher le flic qui a passé des années au rond point du Hilton, ou du coté de Bir Kacem, le gars à se farcir 8 heures d’affilée au soleil et sous la pluie à regarder passer les bolides, à pas oser siffler les contrevenants, à entendre (quand par malheur il ose arrêter quelqu’un ) « wash bghiti tir men blasstek ? bghiti tbate f Tata had lila ? dssarate hadi !! », tu vois, le gars chargé à bloc, qui se fait à tout casser 2400 balles par mois et une tonne d’humiliations par jour.

-         D’accord fhemna, qu’est ce qu’il va faire ce gars ?

-         Wa hna fine kayna tactaca ! sma3ni ! Alors tu prends une bonne centaine de ces gars, tu améliores leurs conditions et tu leur dis "Vous avez carte blanche ! vous opérez en brigades de 4 accompagnés qu’un juge, elli tabtate 3lihe al moukhalafa, harssou lih le pare-brise séance tenante sous le contrôle du juge !". 

-         Hia ghadi tnoude lfouda ou safi

-         Wa laa, au contraire, c’est une démarche hautement sociale ! Hanta, d’un coté tu assures le moral des troupes, casser du friqué de temps à autre est bon pour le moral, encore mieux si cela se passe en toute légalité sous les regards de la justice. Après, le juge il est là aussi pour délivrer un bon d’achat d’un nouveau pare-brise, bla dak lboune, ma kayne pare-brise. Le gars moul la BM oulla la merco, oulla dik lmoussiba dial Golf TDI, doit aller faire viser hadak lboune dans un hôpital public, c’est là qu’il paie la surtaxe contre reçu et c’est le reçu dûment enregistré f la perception qui lui permet de retirer son nouveau pare-brise. Machi social hada ? Tu grilles un feu, tu fais du rallye en ville … un pauvre se fait opérer à tes frais. Tu stationnes en double file, on te casse la vitre passager, tu assures khtana dial ould chi mezloute... koulla moukhalafa btamanha.

-         Moussiba hetta nta a sahbi, je croyais que tu avais changé, mais oualou nta houa nta ! Ma 3linach ewa ou moualine lmoutourate ? 

-         Hetta houmma kayne lhel dialhoum … confisqui lemmou lbougie !!! khas ghir lboulis yet3almou chouia dial tacycliste

13 décembre 2006

Ba Lefhamate reprend du service

Ba Lefhamate insiste pour reprendre du service. Cela me pose un sérieux problème de logistique. Puis-je me permettre de le loger ici, au coté de mes souvenirs d’enfance embaumant la terre humide et la joie de vivre ? Devrais-je me résoudre à l’exiler sur un autre blog plus à même d’accueillir ses sautes d’humeur et son caractère … disons entier ? C’est qu’il n’est pas commode Ba Lefhamate.

C’est peut être à vous, amis internautes qui avez jusque-là partagé mes récits, d’en décider. Pour ma part, je ne me décide pas à écarter mon compagnon de toujours, après l’avoir réduit si longtemps au silence. Je me dois cependant, au nom de cette généreuse confiance que vous m’avez jusque-là témoignée, de vous mettre au courant de certaines tendances de Ba Lefhamate.

Sachez donc que Ba Lefhamate, Arabe, maghrébin, marocain et fier de l’être, et à ce titre dépositaire d’un impressionnant legs civilisationnel, a la fâcheuse manie d’entretenir des idées arrêtées sur une foultitude de choses. Il est de plus, selon les humeurs, stratège, politologue, islamologue, musicologue, tout ce que vous voulez-ogue et bien entendu expert en sport -es-toutes catégories.

Que l’on ne se méprenne pas. Ba Lefhamate est un chic type qui ne cherche noise à personne. C’est inscrit dans ses gènes. Il a le sens civique hypertrophié. C’est également inscrit dans ses gènes. Il aime ses voisins, les voisins de ses voisins et tous ses compatriotes. Il fait la queue là ou il va, respecte les feux même quand il n’y a pas d’agent, ne triche jamais, ne ment jamais, ne blasphème jamais, ne drague pas les filles dans la rue, n’achète pas de DVD piratés, ne chatte pas… Un chic type vous dis-je. Irrécupérable. C’est inscrit dans ses gènes.

Ce serait criminel, convenez-en, qu’à côté de toutes ces qualités, on demande à Ba Lefhamate de la boucler. C’est que Ba Lefhamate n’a que sa langue, et sauf votre respect, vos oreilles, pour exister. L’écouterez-vous ? Ou dois-je, le cœur serré, le mettre à la porte ? En attendant, permettez que je lui offre un café ...

11 décembre 2006

Le rapt de la reine … ( suite et fin )

bee_2Comble de malchance, ma mère avait eu une très mauvaise journée. Si cette berbère au caractère bien trempé avait quelque chose en horreur, c’était bien le gaspillage et la dilapidation. Or, ce funeste jour, elle avait eu à déplorer la perte d’une trentaine de poussins, éclos d’une semaine à peine et promis à un avenir florissant de frarej et 3atougates.

Laïka, la chienne déjà mal-aimée pour son absence désespérante d’agressivité, n’avait ce jour-là fait qu’une bouchée des trente poussins dont Lhajja avait méticuleusement suivi la gestation sous le duvet douillet de deux poules, royalement installées pour l’occasion dans le confort d’un vieux réfrigérateur réformé.

Laïka, grande amatrice de gallinacés, de préférence tout frais, n’en était pas à son coup d’essai. Elle n’avait cependant jamais pu être mise en cause, jusqu’à ce que la finesse de son palais la perde. La malheureuse, si elle affectionnait particulièrement la chaire de poulet, était cependant très peu portée sur le goût de leurs viscères. Si toutes les autres fois elle avait eu l’instinct de consommer loin de sa  niche, cette fois-ci, probablement enhardie par une incroyable impunité, elle s’offrit le luxe de savourer tranquillement les délicieux poussins dans sa niche, abandonnant sur place restes de duvet et qchaoueche.

Dès qu’elle découvrit l’horreur, le sang berbère de ma mère ne fit qu’un tour. Elle chargea Ttir de lui ramener la coupable confirmée et de l’attacher à un arbre et partit chercher une branche de poirier bien longue et bien effilée.

« Ha, ya lbeghla dial lekraresse ? 3lach ma klitiche lgansa ? hein ? Kouli lgansa ya bent lehram!!! kouli !!!! » s’écriait-elle à mesure que  la tige de poirier fouettait l’air et s’abattait sur les flancs de la pauvre Laïka, qui débattait, criait, montrait les crocs. La facture de trente poussins beldiyine était plutôt salée, sans compter les arriérés de tous les coquelets et poulettes mystérieusement disparus depuis quelques semaines.

La pauvre chienne ne comprenait pas qu’on puisse lui demander, en joignant le geste à la parole, de poursuivre un festin pour lequel elle était sévèrement punie. Dans la logique courroucée de ma mère, l’abandon des qchaoueche là où s’égaillaient, le matin-même, trois dizaines de petites touffes brunâtres, était aussi grave que le larcin lui-même. Laïka, la gallinaçophile, une fois sa correction reçue, fut bannie, Ttir ayant été chargé de l’exiler dans un lointain douar.

Lhajja n’était donc pas dans les meilleures dispositions quand Annachra Assari3a lui fit son rapport cinq minutes à peine après nous avoir découverts meurtris dans la grange. La justice divine étant souvent prompte, l’oiseau de mauvaise augure, récolta sur le champ une claque pour avoir dérangé, par de si mauvaises nouvelles, le sommeil agité de ma mère. 

Nous avions, quant à nous, à peine eu le temps de quitter la grange et de nous composer une contenance, quand ma mère ouvrit la porte de la cuisine. « Malkoum ??? », « Abdellah ? Ach taddir Hna ? » , « ach ddakoum le nhel ? ouach hmaqitou ? ». Nous n’avions aucune réponse recevable à opposer à cette première salve de questions, mais nous savions par expérience que le plus important à ce moment-là était de cacher, quel qu’en soit le prix, les dégâts corporels que nous avait infligé l’ennemi. Aussi nous mettâmes-nous à cafouiller, bredouiller et emmêler l’esprit encore endormi de Lhajja dans une foule de détails ayant pour seul objectif d’occulter le chapitre piqûres.

Nous y réussîmes en partie, expliquant que la boite à outils semblait avoir le jour-même, accueilli une colonie d’abeilles, que Adballah avait découverte l’après-midi. Ce dernier, une fois rentré chez lui, s’était rappelé de la chose et était revenu m’en informer afin d’éviter tout accident. Nous étions donc allés vérifier sur place et avions essayé de recouvrir la ruche d’une nappe en plastique afin de la préserver contre un éventuel vol en attendant lendemain. Ce après quoi nous étions tranquillement rentrés à la maison. 

Lhajja à demi-convaincue nous sermonna quand même un bon quart d’heure pour notre kheffa, nous invitant à imaginer ce qui serait arrivé, si les abeilles nous avaient attaqués….  Elle nous interdit formellement de nous approcher de la zone sud, jusqu'à ce qu’un connaisseur vienne déplacer la ruche.

Nous nous esquivâmes heureux de nous en tirer à si bon compte. De passage devant la fenêtre de la cuisine, nous vîmes annachra assari3a en pleurs et, méchamment, en oubliâmes le feu des dards.

3 décembre 2006

Le rapt de la reine …

BAC_beeattack« Boulghraib !!! Boulghraib !!!! » . La voix qui m’interpellait ainsi depuis la fenêtre de ma chambre, par cet après midi torride du mois de juillet, était plus souvent annonciatrice de coups foireux que de réelles opportunités. Je me levais de mauvaise grâce et entrouvris la fenêtre de ma chambre, l’humeur contrariée. « Ach bghiti a Ttir ? 3aoutani chi hamza khaouiya ? »

Abdallah, la quinzaine robuste et joviale, était le plus jeune ouvrier de la ferme. Il mettait tant d’entrain dans tout ce qu’il faisait, qu’il était rare de le voir marcher, optant plutôt pour la petite foulée, quand ce n’était le pas de course, pour le moindre de ses déplacements. 

Dès ses premières journées à la ferme il fût surnommé par ses collègues Ttir, pour sa tendance naturelle et irrépressible à sauter men lmeqla. Ne s’en formalisant aucunement, il confirmait chaque jour sa réputation mercurienne, marquant souvent ses démarrages en trombe par un retentissant « grandyser Intaliiiiiiiqqqqq !!!!! ».

C’est un Ttir particulièrement excité que je découvris en ouvrant la fenêtre. « Boulghraib ! Boulghraib ! Khrouj ngoullik », répétât-t-il, soulignant le surnom qu’il m’avait donné, en raison de mon goût prononcé pour les gadgets électroniques.

Il m’expliqua, décousu, qu’en s’affairant à la frontière sud de la ferme, là où un petit bois d’Eucalyptus séparait nos terres de celles des voisins, il avait été intrigué par un bourdonnement sourd jaillissant des arbustes épineux. En furetant, il avait découvert une vieille boite métallique à outils, où s’était établie une colonie d’abeilles.

Pour le fougueux Ttir, il n’y avait pas à hésiter. Nous devions «rapatrier» cette ruche de fortune, qui devait, assura-t-il déjà un goût de miel à la bouche, nous rapporter une jolie somme. Je restais circonspect, habitué que j’étais aux projets boiteux de cet énergumène. Je me laissais néanmoins convaincre de l’accompagner, séance tenante, pour vérifier de visu l’existence du trésor. J’aurais mieux fait de m’en abstenir.

La boîte à outils s’avéra de bien plus grandes dimensions que je ne l’avais imaginé. Des abeilles par dizaines atterrissaient et décollaient de cette base bourdonnante enfouie au milieu des arbustes épineux. « 3rafti a Boulghraib, daba rah lmalika dial nhel jate lehna ou jbouha rahoum 3amrine bel 3ssel Lhorr ». Et d’ajouter qu’il nous suffisait de revenir à la tombée de la nuit, d’envelopper la ruche dans un plastique pour nous préserver des abeilles et de la déplacer à l’autre bout de la ferme, là ou personne ne risquait de nous dérober « notre » bien. Après on ferait appel à un spécialiste qui se chargera de récolter le bon miel pour nous. Les risques ? Aucun !!! Assura Ttir, expliquant que « Nhel tay ne3ssou bellil hite ma taychoufou oualou ».

Je devais également avoir un goût de miel à la bouche... Nous entreprîmes sur le champ de dégager, aussi discrètement que possible, l’accès à la ruche que nous devions emprunter lors de l’opération de kidnapping. De retour à la maison, nous fixâmes rendez-vous le soir même. Comme il ne fallait éveiller aucun soupçon, Abdallah partit chez lui comme à l’accoutumée au terme de sa journée de travail. Vers 21h00, trois sifflets brefs m’annoncèrent qu’il m’attendait comme convenu non loin du terrain des opérations. Je pris une lampe torche, dérobais une nappe de table en plastique destinée à envelopper la ruche et me rendis discrètement au lieu du rendez-vous.   

Tout se passa assez vite. L’accès à la ruche était dégagé et les abeilles semblaient effectivement endormies. Nous enveloppâmes avec mille précautions la boite à outils de la nappe de table, la soulevâmes comme une bombe à retardement et entreprîmes le périlleux voyage de retour.

Selon le mode opératoire convenu, Ttir devait se charger de porter la ruche pendant que j’assurais l’hermétisme de l’enveloppe en plastique. Il en fût ainsi. Le sommeil des abeilles n’était manifestement pas aussi profond que nous l’aurions souhaité. Au bout d’une trentaine de mètres, une agitation de plus en plus inquiétante nous parvint à travers la nappe. Ttir , nettement moins assuré, lâchait de répétitifs « Ahyaaaa ?! » en pressant le pas. Je n’étais pas plus rassuré.

Le coup foira en un éclair ! Une abeille plus entreprenante que les autres se fraya un chemin à travers l’enveloppe en plastique, se dégagea et s’abattit sur l’oreille gauche du pauvre Ttir, dard en avant ! Le pauvre garçon hurla un « wil bouhaaaaa ! 3addatni », jeta à terre la bombe à retardement et pris ses jambes à son cou, omettant cette fois-ci son habituel « Grandyser intaliiiiqqqq !!!». Je l’imitais quelques secondes plus tard, battant à coup sûr mon record personnel du 100 mètres, pendant que la boite à outils roulait par terre, s’ouvrait et déversait dans la nature un essaim d’abeilles furieuses.

Nous volâmes en direction de la maison, les bras gesticulant hystériquement au dessus de la tête. Vains efforts ! Une horde déchaînée d’abeilles nous localisa par quelque radar nocturne encore inconnu des entomologistes, fonça sur nous et nous fit passer à jamais le goût du miel. Quand nous nous enfermâmes enfin, hors d’haleine, dans la grange, nos troupes revendiquaient une bonne dizaine de piqûres concentrées avec une précision chirurgicale sur les mains et les oreilles !

Nous en étions encore à apaiser le feu des dards, quand un «malkoum ?????» jaillissant de la pénombre, nous acheva. Catastrophe ! C’était la cousine Hasna, une peste de dix printemps à peine, surnommée « annachra assari3a », en raison de la vitesse supersonique à laquelle elle rapportait tous les faits de la ferme à ma mère !

28 novembre 2006

Quinze mille balles le pet !

vache_petL’énorme vache, gonflée à bloc, gisant par terre, exhala péniblement deux soupirs, tendit ses membres dans un ultime effort et rendit l’âme sous nos regards impuissants. L’une des sept vaches laitières houlandiates, importées via l’office à grands frais, venait de passer de vie à trépas en un petit quart d’heure, infligeant à la ferme une perte sèche de quinze mille dirhams, sans compter le manque à gagner en centaines de litres de bon lait et en veaux et vachettes de race améliorée. Catastrophe !

Nous l’entourions, encore sous le choc, essayant de comprendre la cause de cette mort subite, quand arriva en courant Mohamed Leqraa, le voisin appelé à la rescousse un quart d’heure plus tôt.

« Ya latif, ya latif, lekhlifa 3la moulana ! koune 3a heleltouha be3da », se lamenta-t-il se tapant les mains l’une contre l’autre. Et d’expliquer qu’en cette période de l’année, poussait dans certains fourrés une herbe maudite, dont raffolaient les vaches mais qui avait la propriété de dégager tellement de gaz dans les estomacs et intestins des pauvres bovidés, que ces derniers, incapables de respirer, mourraient par asphyxie.

Mohamed Leqraa, qui se prévalait d’une longue expérience d’éleveur, détailla ce qu’il aurait fallu faire. «  Kan khasskoum teqbou liha hna bchi seffoute », précisa-t-il en posant un doigt expert sur un point précis du corps inerte, juste au dessus du flanc gauche, par où devaient sortir les gaz compressés. « Oulla cherrbou liha Tide, iyeeeehhh Tide dial tessbine, ha ou jriwe 3liha hetta tnefess !! », trancha-t-il.

Nous le regardions incrédules, ne nous imaginant nullement gaver de lessive des vaches d’import, dûment immatriculées, vaccinées et disposant même de carnets de santé. Nous creusâmes ensemble une fosse à l’autre bout de la ferme, tirâmes l’énorme dépouille par tracteur et recouvrâmes soigneusement de terre ce qui aurait dû être un investissement rentable.

Quelques jours après, alors que nous nous remettions à peine de ce coup dur, l’un des ouvriers déboula dans la cuisine, hors d’haleine, les yeux exorbités. « Wa lbegrate, wa lbegrate, wa tnefkhou !!! », cria-t-il.

Au diable le pedigree, le carnet de santé et toute la race des vétérinaires. Il fallait agir au plus vite. Nous n’hésitâmes pas une seconde. Quelqu’un versa une bonne moitié du paquet de Tide dans un sceau d’eau. Nous nous précipitâmes dans une cascade de bulles vers l’enclos, où nous trouvâmes, ahanant au bord de l’asphyxie, deux vaches aux ventres tendus comme des outres. Le sceau de lessive hyper concentrée fût partagé tant bien que mal entre les deux ruminants, que nous soulevâmes avec l’énergie du désespoir dans un concert de « Yallah, yallah …. Zid… Dfe3… Jer.. 3endak.. ». En moins de dix minutes, les deux vaches étaient gavées de Tide, mises sur pattes et poussées par six paires de bras affolés. 

« ha ou jriwe 3liha hetta tnefess … », avait soutenu Mohamed Laqraa. Nous appliquâmes sa recommandation à la lettre. On ouvrit l’enclos et chaque trio se chargea d’une vache. Nous courûmes tant que nous pûmes, les uns tirant, les autres poussant, encourageant la vache de cris, de claques, de coups de pied, l’oreille guettant le pet de délivrance qui valait quinze mille dirhams. Quand les deux trios se croisaient, chacun affairé avec son ruminant, ils s’encourageaient, le souffle court, « Yallah, yallah, matouaqfouche, jer … dfe3 … Zid zid zid … ».

La course a bien dû durer une demie heure, avant qu’une série de formidables pets, qui sonnaient à nos oreilles comme le clairon de la cavalerie, ne vienne annoncer la délivrance de notre vache. La brave bovidée gratifia même nos efforts d’une bonne dose de marmelade verdâtre, embaumant … nassim al hadiiq.  Presque au même moment les « Haaaaaa !!!!! » de l’autre trio nous confirmèrent que la deuxième vache était aussi tirée d’affaire.

Mohamed Laqraa, absent ce jour-là, vint le soir s’enquérir de notre mésaventure. Il recommanda, pas peu fier, « 3emmer Tide may khtakoum ! ». Nous suivîmes son conseil, mais nous nous gardâmes d’en toucher mot au vétérinaire.

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