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28 janvier 2007

Woody Allen et Bel Houdhoud

HuppeFascieeLes amateurs de jazz, dont je me targue à mes moments de faire partie, savent que le grand Woody Allen est un virtuose de la clarinette, qu’il a jusqu’à très récemment maniée avec bonheur chaque lundi dans un Pub de Manhattan, à la tête de son New Orleans Jazz Band.

A chaque fois que je survole avec bonheur le très riche répertoire de ce jazz band, le magnifique Pappy_s_B_Flat_Blues ne manque pas de me faire choir, presque lascivement, dans ce passé pas si lointain de chasseur passionné.

Une clarinette, deux trompettes et un trombone jacassent interminablement dans une cacophonie qui sent le soleil brûlant et l'indolence de la Nouvelle Orléans. Sur fond de piano, de basse et de percussions discrets. 

Je partais, mon calibre 9 mm en bandoulière, quand le soleil avait à peine franchi le seuil du zénith. Dans une chaleur étouffante, je me dirigeais, sûr de mon affaire, vers une longue allée bordée de cyprès, haie naturelle marquant la frontière entre notre domaine de celui des voisins.

Là, des dizaines d’espèces d’oiseaux venaient a chaque mi-journée soustraire leurs couleurs à la morsure du soleil d’août. Moineaux, Bouvreuils, Moucherolles à ventre jaune, Mesanges... parfois un Merle noir, entonnaient une joyeuse cacophonie qui guidait mes pas de chasseur. J’avançais l’oreille tendue vers les cimes des majestueux cyprès, le regard, exercé, guettant le moindre mouvement dans le tapis jaunâtre tapissant le sol craquelé.

Au Pub de Manhattan, la clarinette, les deux trompettes et le trombone poursuivent leur chamaillerie tranquille,  haussant à peine le ton. Les trompettes soulignent d’un sifflement admiratif les anecdotes coquines d’une joyeuse clarinette, que le sage trombone semble désapprouver de loin.

Sur les branches ombragées de mes cyprès, les oiseaux s’apostrophent, se sifflent, se huent, doucement, ménageant leur souffle. J’avance épiant le chef d’orchestre, Belhoudhoud, le magnifique ! Lui ne chante pas. Jamais personne n’a entendu sa plainte. Il lui suffit de tendre ses ailes, de dresser sa huppe, pour que jaillisse une myriade d’arcs- en – ciel, éclipsant tous ses rivaux. Dédaignant les branches des communs, il règne sur son monde depuis le sol craquelé qu'il arpente de son pas saccadé.

La légende raconte que son regard perçant parvient sept pieds sous terre, que son sang confère intelligence et sagesse, que ses plumes assurent la bonne fortune. Je traque ce gibier fantastique le cœur haletant. Dès que je perçois au loin les arcs-en-ciel, je me jette à terre, rampe sous la poigne du soleil, me fond dans les herbes asséchées, gagne mètre par mètre l’honneur de surprendre Belhoudhoud. Quand sa huppe se dresse, inquiète, je me fige détournant le regard pour échapper à ses prunelles de feu noir. Dès qu’elle s’abaisse, la traque reprend, lente et silencieuse, sur fond de jacasseries en sourdine.

Les jours de chance, rares, Belhoudhoud distrait se laissait approcher... Mais, souvent, à l’instant même où il était enfin aligné sur la mire, avant que le doigt tremblant de stress n’atteigne la gâchette, mille arcs-en-ciel illuminaient son envol.   

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Commentaires
I
La seule traque de ce houdhoud aux mille et une vertus t’a doté d’une intelligence et d’une sensibilité qui te permettent de rendre fidèles même les lecteurs les plus volages… A leur plus grand bonheur bien sur !<br /> Si tu n’es pas parvenu à capturer le magnifique oiseau, tu as au moins réussi à faire prisonnier un cœur qui a longtemps résisté.
L
Quoi Imane ? Tu penses que Bel Houdhoud le magnifique, capable de voir sept pieds sous terre, se laisserait approcher à portée de Jebbad ???
I
beau billet lagba, toujours un plaisir de te lire, sauf que toré dû utiliser jebbad..:))
L
Merci Younès :) Bel Houdhoud le futé se tirait tres souvent d'affaire, finalement je me demande si la traque en elle même n'etait pas de loin le véritable trophée
Y
Quoique limite laconique, ce récit soutient un rythme haletant, jonglant allègrement entre le farniente de l'image d'une soirée au Pub de Manhattan à écouter le grand WA, et un coeur crispé en attente du destin du pauvre Houdhoud!<br /> Parfaitement écrit ... bravo! :-)
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