Nous ne t’oublierons pas …
Je l’ai découvert sur mon transistor de poche qui captait laborieusement la Chaîne Inter sur bande AM. Je me suis délecté, plus tard, de ses jingles sur un système audio bricolé, auquel j’avais, ingénieusement pensais-je, adjoint des hauts parleurs récupérés sur de vieux et robustes postes radio. Quelques années après, c’est sur une chaîne Hi-Fi que j’ai aussi religieusement siroté Boogie d’Alifi Hafid. Aujourd’hui, le maître a tiré sa révérence. Comme des milliers d’autres, je me sens un peu orphelin.
Dans mon esprit de passionné, Alifi Hafid avait toujours eu l’allure d’un superman. Je l’imaginais en jeans Wrangler ou Lois, en chapeau de cow-boy, l’allure athlétique, une mallette à la main pleine à craquer de 33 et 45 tours à peine sortis des presses.
« Tatsme3 Boogie ? Hadak Houa Alifi Hafid », m’avait soufflé, un matin de juillet 1990, un collègue de stage dans un couloir de la RTM. Mon regard se porta sur un homme de la quarantaine, à l’allure avenante, au front dégarni, portant, comme aurait pu le faire mon père, une chemise blanche et un veston à carreaux. C’était donc lui. Aux antipodes de mon héros. Pourtant, le mythe n’en prit pas une égratignure.
Il tint, Allah y Rahmou, quand nous lui fûmes présentés, à offrir un pot dans un café de la rue El Brihi, aux deux jeunes bleus de la maison. Nous discutâmes … Musique ! J’osais à peine risquer un avis face à ce monument. Mais j’eus tout le loisir de découvrir, au-delà de l’animateur vedette, du maître des platines, le véritable mélomane, humble, généreux et disponible. Entre deux gorgées de ses analyses des nouveaux courants de la world music, je me délectais à l’avance de la mine que feraient mes copains quand je leur raconterais, le soir au café.
J’ai continué à écouter Boogie, à être au RDV des « best of the Old », « Back in the time », « coin de la Country ». Désormais les notes de sa programmation sous-tendaient un visage avenant au sourire indulgent de grand frère.
Adieu Mahfoud ! Nous ne t’oublierons pas.